Gigantisme

hypertrophie, macrocéphalie et complexité

Publié par Jacques SAUSSARD le 18/01/2021
credit photo Maxime Francis & pexels.com

 

 

 

AVANT PROPOS

Nous proposons ici d'attirer l'attention des lecteurs sur la taille des structures nées des activités humaines. Car il y a une différence fondamentale entre l'auto-organisation de l'univers, et celle du vivant.

 « En mécanique quantique, le principe d'incertitude ou d'indétermination d'Heisenberg (formulé en 1927) postule que l'on ne peut pas connaître à la fois la position et la vitesse d'une particule, parce que tout système de mesure interfère avec la particule .../... Aujourd'hui, les physiciens quantique, dans leur majorité, considèrent qu'il existe dans la texture même de l'Univers un hasard objectif. »
pour en savoir +, consulter [philosophie.philisto.fr]

« Dans le cosmos, la matière s’auto-organise spontanément selon des processus dont beaucoup ne sont pas réductibles à la physique. Des structures complexes se forment, telles les galaxies, les étoiles, les planètes. .../... Le monde du vivant se structure de la même façon, à un degré plus poussé. On voit émerger la plus grande complexité avec des règles pourtant simples. »
pour en savoir +, consulter[mgm-ec.fr]

D'une part, nous observons que les éléments constitutifs de très petite taille (les "particules élémentaires", par exemple) sont dotées de propriétés en nombre limité et simples, d'autre part, que l’univers semble doté de caractéristiques favorables à engendrer la complexité. C'est pourquoi il nous apparaît légitime de discerner ce qui appartient au vivant et ce qui appartient à l'inerte, le vivant utilisant son aptitude à la complexité pour privilégier lui aussi le gigantisme, qui comporte indéniablement des avantages, mais aussi des inconvénients non négligeables. L'exemple le plus probant étant la surpopulation de l'espèce humaine, et l'exploitation non maîtrisée des ressources de notre planète, qui ont favorisé le changement climatique actuel. Suite à ce constat, le septicisme idéologique d'une partie de la population des USA (entre autres populations climato-sceptiques, ailleurs sur le globe) ne change rien aux faits.

DÉFINITIONS

1. Gigantisme « croissance anormalement importante d'un individu humain, animal ou végétal, les proportions relatives des divers organes étant respectées. Développement démesuré, caractère énorme de quelque chose : le gigantisme de certaines firmes multinationales. »
pour en savoir +, consulter [www.larousse.fr]

2. Hypertrophie « l'hypertrophie est le développement trop important d'une partie du corps, d'un organe ou d'un tissu, mais aussi d'une cellule. À noter qu'en géographie, ce terme est utilisé pour désigner le processus et le résultat d'une croissance exagérée d'une entité géographique. »
pour en savoir +, consulter [https://www.wikiwand.com]

3. Macrocéphalie « En géographie, ce concept s'applique de façon figurée à la configuration d'un espace largement dominé par un pôle unique concentrant population, activités et fonctions au point de freiner voire d'empêcher l'affirmation de pôles secondaires »
pour en savoir +, consulter [www.wikiwand.com]

C'est pourquoi nous pouvons légitimement nous interroger sur la taille de certaines entités géographiques : empires, royaumes, états-unis, états-nations, agglomérations, aires métropolitaines, etc. ) Sont-elles trop grandes pour être viables au long terme, ou à la bonne dimension, ou trop petites pour être autonomes ? Pouvons-nous agrandir sans cesse les entités géographiques, encore et encore, au risque qu'elles deviennent dominantes au point de nuire aux plus petites ? Par exemple, que penser de la taille de la République Populaire de Chine ? Avec plus d'1,4 milliard d'habitants, soit environ un sixième de la population mondiale, elle est le pays le plus peuplé du monde. Elle compte huit agglomérations de plus de dix millions d'habitants...

AUTO-ORGANISATION

« Le gigantisme insulaire est un phénomène biologique par lequel la taille des espèces sur une île augmente de façon spectaculaire sur plusieurs générations. C'est une forme de sélection naturelle dans laquelle une taille plus importante assure un avantage de survie. »
pour en savoir +, consulter [www.wikiwand.com]

Cependant, l'histoire du vivant démontre que le gigantisme biologique induit aussi des problématiques particulièrement difficiles à maîtriser. Nous savons à présent ce qu'il est advenu des théropodes géants.


V. Battaglia écrit :
« Actuellement, l’expansion de l’homme est un véritable danger pour nos grands herbivores. Nous limitons chaque année de plus en plus leur territoire. Au point, qu’actuellement les éléphants d’Asie sont en voie de disparition. Seul le tourisme a permis à la faune africaine de survivre. Partant de ce constat, il est évident que la prédominance de l’espèce humaine va à l’encontre de l’accroissement de la taille des autres espèces. De même que les mammifères ont conservé de petites tailles pendant tout le règne des dinosaures ce qui leur a permis de survivre, les animaux actuels de petites tailles ont de meilleures chances de survivre face à l’homme. Un documentaire de la BBC nous a permis de bien évaluer les dimensions gigantesques d'Argentinosaurus. Nigel Marven semble minuscule à côté de cet énorme animal.
 


 

L'auteur de dinosoria.com écrit aussi :
« Plus j’analyse tous les éléments et plus je crois fermement à un cycle immuable. Il y a toujours selon les périodes une espèce dominante. Le tout est de savoir laquelle viendra menacer la suprématie de l’homme. Une chose est certaine, le gigantisme ne protège pas de l'extinction. En fait, cette caractéristique nous rend plus vulnérables face aux changements climatiques, eux-même engendrant des modifications de la flore. La spécialisation alimentaire est une autre vulnérabilité. Les théropodes géants étaient tout aussi vulnérables car dépendants de l'abondance des grands sauropodes. » V. Battaglia et J.Alcaria
pour en savoir +, consulter [dinosoria.com]

 

Évènements écologiques "imprévus"

« La province de Sichuan a été frappée par un tremblement de terre en mai 2008. Ce séisme est l’un des plus dévastateurs que la Chine a connu depuis celui de Tangshan en 1976. Cette province est en quelque sorte le grenier à riz de la Chine. Ce séisme a provoqué d’énormes dégâts écologiques avec des conséquences pour la santé des populations mais également de la faune. Il faudra des années pour en estimer les réels impacts. La conséquence immédiate a été la contamination de l’eau. Des usines, très polluantes, ont été détruites et les produits toxiques se sont déversés aussi bien dans les réservoirs d’eau douce que dans la nature. Récemment, une grenouille à sept pattes avait été découverte près de Chengdu, dans la province de Sichuan en Chine. Dans la même zone, c’est une tortue à deux têtes qui a fait son apparition. Ce type de malformations n’est pas vraiment rare mais par contre, il est exceptionnel de les observer dans une zone aussi restreinte et à quelques jours d’intervalle. » V. Battaglia
pour en savoir +, consulter [https://dinosoria.com/chengdu.html]

Évènements économiques "imprévus"

« En 2008, l'économie mondiale a connu une année terrible, et bien des parallèles ont été dressés avec la crise de 1929. La crise des subprimes, qui avait éclaté à l'été de 2007, a pris une ampleur sans précédent durant l'automne de 2008, après la faillite de la banque américaine Lehman Brothers. Un véritable ouragan a ravagé la sphère financière. »
pour en savoir +, consulter [universalis.fr]

« Too big to fail (trop gros pour faire faillite) est un concept économique qui décrit la situation d'une banque, ou de toute autre institution financière, dont la faillite aurait des conséquences systémiques désastreuses sur l'économie [d'un État-Nation, d'un continent, voire de l'économie mondiale] et qui par conséquent, se retrouve renflouée par les pouvoirs publics, dès lors que ce risque de faillite est avéré. »
pour en savoir +, consulter [www.wikiwand.com]

« ... se sachant trop importantes pour être délaissées - on parle alors de "banqueroute systémique" - certaines organisations bancaires seraient incitées à prendre des risques démesurés, alors qu’elles auraient pesé leurs décisions, si elles se savaient comptables de leurs choix.»
pour en savoir +, consulter [www.chosesasavoir.com]

« Dans son livre intitulé "Gigantisme, de too big to fail vers un monde plus durable et plus humain", Geert Noels avance que l'épisode traumatique de 2008, aux USA n’est pas une crise financière, mais le symptôme d’un mal plus profond du système économique, qu'il est possible de qualifier comme étant "une course éperdue à la croissance". Cette propension à grandir se manifeste au travers du nombre croissant de très grandes entreprises, que ce soit en termes de capitalisation boursière, de valeur ajoutée ou de personnel employé, principalement dans les secteurs de la technologie, de la banque, de l’industrie pharmaceutique, mais aussi dans d’autres. Ces entreprises y trouvent un double avantage : leur taille augmente leur "pouvoir de marché", et en fin de compte, leurs bénéfices. Le rendement des méga-entreprises américaines, par exemple, ne cesse d’augmenter...»
pour en savoir +, consulter [www.contrepoints.org]

Ces épisodes ont apporté la preuve que l'organisation économique mondiale est trop grande, trop complexe, et par conséquences, fragile. Selon Joseph E. Stiglitz, Prix Nobel d'économie, « Si certaines banques sont trop grandes pour faire faillite, alors c'est qu'elles sont trop grandes... »

Évènements sanitaires "imprévus"

Le 03/06/2020, France-Culture, dans son émission radiophonique "cultures-monde" pose ainsi la problématique de la taille des métropoles : « La crise est-elle l’occasion de repenser non seulement le modèle de développement des villes mais aussi leur place dans la mondialisation ? Gigantisme, étalement urbain, la réalité matérielle des métropoles leur laisse-t-elle une chance de s’adapter, voire de se réinventer ? »

Puis l'animateur invite à en débattre en dressant un constat :
« Parti de Wuhan en Chine le SARS-coV-2 s’est répandu en quelques mois sur l’ensemble de la planète n'épargnant presque aucun territoire. Mais c’est dans les capitales et les grandes espaces urbains que le virus a fait le plus de ravages. Au cœur des flux migratoires, et hyperconnectées au reste du monde, les métropoles se sont retrouvées particulièrement exposées et leurs habitants davantage contaminés. Pour les Madrilènes, les Londoniens, les New-Yorkais, les Parisiens, le confinement s'est également révélé plus difficile à vivre. Privée de ce qui fait d’ordinaire son attractivité et sa dynamique - vie sociale et culturelle, gastronomie, marché du travail, offre de transport - les grandes villes ont révélé leurs failles : surpopulation, inégalités et manque d’espaces verts. Leur stratégie d’attractivité, basée sur l’hyper concentration des activités et des richesses n’est-elle pas devenue leur faiblesse ? Malgré un retour à la normale ces derniers jours dans les grandes villes d’Europe, l’épidémie nous laisse entrevoir la vulnérabilité des métropoles et interroge sur leur capacité à faire face à de futures crises environnementales, peut-être encore plus violentes que le covid-19. Alors la crise est-elle l’occasion de repenser non seulement le modèle de développement des villes mais aussi leur place dans la mondialisation ? Gigantisme, étalement urbain, complexité des infrastructures... la réalité matérielle des métropoles leur laisse-t-elle une chance de s’adapter, voire de se réinventer ? Les autorités municipales des grandes villes ont-elles pris la mesure du défi qui les attend ? Seront-elles capables de tisser de nouveaux rapports avec les autres territoires (périphéries, campagne..) ? »
pour en savoir +, consulter https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/anthropocene-le-virus-de-la-derniere-chance-34-fin-de-regne-pour-les-metropoles

Études diverses

Pour comprendre les modèles structurels du développement de l'humanité, nous devons donc nous appuyer autant sur l'apport des recherches anthropologiques et environnementales, que sur celles concernant la physique, la biologie, la philosophie, la sociologie, la psychologie, etc. Nous devons aussi trouver des alternatives au néo-libéralisme, au social-libéralisme et au communisme, à l'extrême-droite, et plus globalement à toutes les formes de gouvernance politique et économique qui n'ont pas apporté la preuve de leur efficacité au long terme.



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À propos des modèles de développement structurels humains, Benoît A. Dumas a écrit, le 5 février 2019 :
« L’un des maux du gigantisme incontrôlé va de pair et même s’identifie avec la mondialisation. Celle-ci, surtout celle du commerce et des transports, déplace, à travers les airs et les océans, des millions de tonnes de marchandises d’un bord à l’autre de la planète. Le naufrage abimant parfois d’énormes cargos chargés à ras bord de containers qui se déversent sur nos côtes constitue un redoutable avertissement. Avec celles des marées noires, de telles catastrophes sont de véritables lanceurs d’alerte, nous intimant d’arrêter et de changer de logiciel… Comme si les pays avaient besoin, pour vivre mieux ou survivre, de déplacer en masses leurs ressources naturelles ou productions manufacturées, au lieu de viser à échanger principalement avec mesure quelques complémentarités sélectives. Soit dit entre parenthèses, les énormes pollutions générées par l’intensité du commerce mondial, devenu une sorte de frénésie, est une cause majeure des émissions de gaz à effet de serre et donc du réchauffement climatique, que la diminution de notre consommation terrestre de carburant par l’essor de la voiture électrique ne compense absolument pas… Il s’agit en effet d’une tout autre échelle. On commence par ailleurs à s’interroger aujourd’hui sur le coût écologique de la fabrication des batteries et de leur élimination après de bons et loyaux services… »



illustration [ripostelaique.com]

Dans son livre "La convivialité" (Points Essais N° 65, publié en octobre 1975)
« Ivan illich amplifie et radicalise sa critique de la société industrielle. Il ne vise plus une institution particulière (école, santé, transports), mais l'organisation globale. il dénonce la servitude née du mode industriel de production, le gigantisme des outils, le culte de la croissance infinie et de la réussite matérielle. L'homme va-t-il réclamer son droit, reprendre la parole et le pouvoir de décider, ouvrir un espace social de rencontres et d'échanges, se souvenir qu'il a un passé, des voisins, des égaux ? Selon Ivan illich, ce n'est que par la redécouverte de ce qu'il nomme "la convivialité" que les sociétés s'humaniseront. »

pour en savoir +, consulter [www.librairie-detours.fr]

 

Notre conclusion

Il faudra bien que l'humanité prenne enfin conscience de sa situation actuelle, et accepte de se confronter à la dure réalité : la terre n'est pas extensible, et il existe une limite à la croissance des activités humaines. Les inégalités sociales, qui ne cessent de croître, sont devenues insupportables. Assurer la protection de l'espèce humaine et de son environnement au long terme nécessite de s'engager sur la voie de la décroissance.

Et pour cela, les États-Nations doivent assumer leurs responsabilités, en contraignant les grandes entreprises à limiter leur expansion... et en les obligeant à contribuer à la fiscalité de chaque État-nation où elles s'enrichissent. Les États-Nations doivent accepter eux aussi de se réformer, et de se comporter comme tels, c'est-à-dire comme des entités juridiques non commerciales au service des populations. Il est donc urgent de mettre un terme définitif aux paradis fiscaux, ce qui permettra aux nations de répondre aux impératifs économiques, sociaux, et environnementaux.

Toute forme de gouvernance étatique qui ne lutte pas contre le gigantisme, et la complexité qui en résulte, qu'elle soit issue d'une idéologie néo-libérale, communiste, socialiste, dictatoriale ou autre, est inévitablement macrocéphale et hypertrophiée, donc socialement inégalitaire, et dangereuse pour les populations.

Écrit et publié par Jacques SAUSSARD, version du 01/02/2021
consulter également  [la lutte des classes au 21e siècle]